L’an dernier est sortie la nouvelle traduction du Silmarillion par Daniel Lauzon. Je l’attendais de pied ferme, d’autant plus qu’elle était livrée dans un très bel écrin, mais c’est le visionnage de la série des Anneaux de Pouvoir qui a réveillé mes envies de relire Tolkien, en commençant par ce texte-ci.
Est-il utile de présenter Le Silmarillion ? Si on imagine l’œuvre de Tolkien comme un iceberg, Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit n’en sont que la partie émergée. Le reste, c’est Le Silmarillion. Une œuvre au long cours, un immense récit mythologique commencée en 1917 et jamais vraiment terminée, dont Le Seigneur des Anneaux n’est finalement qu’une suite.C’est son fils Christopher Tolkien qui le publia de façon posthume en sélectionnant et en agençant les différents textes pour créer une version cohérente. Plus tard, il publiera toutes les versions différentes du Silmarillion dans L’Histoire de la Terre du Milieu, mais ceci est une autre histoire…
Que trouve-t-on au menu de ce Silmarillion donc ?
Tout d’abord deux récits assez courts, Ainulindalë et Valaquenta, qui reviennent en toute simplicité sur la création du monde et sur l’identité des Valar (qui ne sont pas des dieux mais plutôt des sortes d'anges). Le deuxième est un petit peu rébarbatif avec ses longues listes de personnages, mais c’est utile pour poser le décor.
Ensuite, il y a la Quenta Silmarillion qui donne son titre au livre, et qui raconte le Premier Âge d’Arda et de la Terre du Milieu : l’éveil des Elfes puis des hommes, les complots de Melkor/Morgoth, la création des Silmarils et leur vol, ce qui donne lieu à un long récit sur plusieurs millénaires fait de grandes batailles, de moments héroïques et de récits généralement tragiques où les personnages sont pris au piège de leurs Serments et dominés par leurs Destins.
Viennent ensuite deux autres récits, Akallabêth, l’histoire de Númenor (aka l’Atlantide) et Les Anneaux du Pouvoir et le Troisième Âge qui sont beaucoup plus courts mais qui permettent de faire Le pont avec Le Seigneur des Anneaux en racontant le Deuxième Âge et une partie du Troisième Âge.
L’ouvrage se termine avec des appendices bien fournis : arbres généalogiques (très très utiles, y compris pour compter les morts !), un index très riche et un lexique avec lequel j’ai longtemps joué pour faire de l’elfique de cuisine.
J’avoue avoir depuis longtemps beaucoup d’affection pour Le Silmarillion. Déjà pour le complément indispensable qu’il est au Seigneur des Anneaux (j’ai tendance à penser qu’il faut le lire après le Seigneur des Anneaux, puis relire Le Seigneur des Anneaux avec un nouveau regard). Mais aussi pour l’incroyable travail de création qu’il représente.
Tolkien voulait créer une sorte de recueil de légendes et il a parfaitement réussi son affaire : on a vraiment l’impression d’avoir déniché une sorte d’épopée vieille de plusieurs siècles pour laquelle on aurait à la fois des récits très complets qui ont traversé les âges et d’autres plus fragmentaires, avec des attentes qui ne sont pas forcément les nôtres (ce qui fait qu’on a parfois des descriptions façon chronique historique sur des pages et qu’un évènement important est expédié en deux lignes).
Ce n’est pas toujours facile à lire, c’est même sans doute un peu barbant parfois, mais personnellement c’est le genre de construction que j’adore, et cette relecture a été un vrai plaisir. C'est épique, c'est gigantesque, c'est truffé de grands héros (et il y a quand même quelques héroïnes), de quêtes et de promesses.
C'est aussi un récit avec un ton assez particulier, triste et nostalgique car c'est le récit de l'Âge d'or des Elfes, mais les mauvaises décisions y sont nombreuses (j'avais oublié que très tôt le récit se demande si ce n'était pas une bêtise de ramener les elfes en Valinor), personne n'en sort vraiment gagnant à la fin, et avec sa conclusion débute le lent déclin des Elfes jusqu'à la fin du Troisième Âge.
Concernant la nouvelle traduction, j’ai été moins frappée par celle-ci que j’ai pu l’être par celle du Seigneur des Anneaux, mais ma dernière lecture du Silmarillion remonte à plus de dix ans.
J’ai quand même pris le temps de comparer quelques passages, et ce qui me frappe le plus c’est que Daniel Lauzon a réussi à mieux retranscrire en français le ton archaïsant du texte original (en VO notamment il y a tous les vieux pronoms anglais style thee/thou), avec des tournures qui font tout de suite datées (notamment les Ores… qui débutent certaines phrases).
On bute un peu dessus en début de lecture (ce qui est tout à fait normal), mais ça correspond parfaitement à ce qu’est Le Silmarillion, un texte venu d’un temps lointain où l’on ne s’exprimait pas forcément de la même façon. On pourrait gommer cet aspect pour rendre la lecture plus fluide, mais le texte y perdrait son sens.
Donc du peu que je perçois, ça m’a tout l’air d’être un excellent travail, et j’ai tendance à penser que si je n’ai pas remarqué plus que ça cette nouvelle traduction, c’est qu’elle fait parfaitement son job, tout simplement.
À noter que cette nouvelle traduction prend en compte tous les textes d’introduction de la 2e édition anglaise à savoir l’avant-propos de Christopher Tolkien (déjà présent dans l’ancienne traduction) mais aussi son introduction à la 2e édition qui accompagne une lettre de J.R.R. Tolkien où il présente son travail sur Le Silmarillion, c’est un excellent matériel d’accompagnement.
Un mot sur l’objet-livre pour finir : il est SUPERBE. C’est un bel ouvrage relié avec une belle carte bien lisible du Beleriand en guise de page de garde (idéal pour suivre le parcours des personnages), une cinquantaine de planches de Ted Nasmith pour illustrer les textes et une impression en rouge et noir qui donne beaucoup de style (et une meilleure lisibilité à l’index accessoirement).
Évidemment il est un peu lourd à manipuler mais c’est le genre d’ouvrage qu’on a envie d’avoir dans sa bibliothèque, autant pour le titre que pour l’objet, et j’espère bien que Christian Bourgois poursuivra les rééditions dans ce format. Il y a les Contes et légendes inachevés qui viennent de ressortir dans le même format avec une traduction révisée et il me semble que Le Hobbit est prévu l’année prochaine, alors on croise les doigts pour Le Seigneur des Anneaux ?
Voilà pour cette relecture du Silmarillion, j’avais peur d’y passer des mois mais la magie a opéré très vite et c’est finalement passé comme une lettre à la poste. Je suis prête pour enchaîner sur les Contes et légendes inachevés maintenant, et ça tombe bien, je l'ai demandé à Noël !
Infos utiles : Le Silmarillion est une œuvre de J.R.R. Tolkien dont l’édition a été établie par Christopher Tolkien. Première parution VO en 1977. J’ai lu la nouvelle traduction de Daniel Lauzon parue en 2021 chez Christian Bourgois. Illustrations et couverture de Ted Nasmith. 356 p.
Mon précédent avis sur Le Silmarillion (lecture en VO il y a 10 ans)
D’autres avis : Les lectures de Xapur
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